Victoire Rasoamanarivo (que l’on peut abréger en Rasoa, prononcer 'Rachou') naît en 1848. Elle est très proche de la famille royale.
Alors que les Anglais reconnaissent Radama 1er comme roi légitime de Madagascar, les protestants en profitent pour évangéliser. En 1838, ils réalisent l’exploit de traduire et d’imprimer la première Bible en malgache.
Vient ensuite le règne de l’une des nombreuses femmes de Radama 1er, la cruelle Ranavalona 1ère: elle s’impose par la terreur, persécuta les chrétiens (protestants): il y eut des centaines de martyrs.
Elle meurt en 1861. Son fils, Radama II lui succède et proclame la liberté religieuse. Il rappelle les missionnaires. Les jésuites et les sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny évangélisent alors les Hauts-Plateaux.
Victoire est baptisée en 1863. Elle a 15 ans. Le roi est assassiné dans une révolution de palais. Lui succède la reine Rasoherina. Elle règne très peu de temps. Vint la reine Ranavalona II qui se convertit au protestantisme. La famille de Victoire est largement protestante. Victoire subit des pressions pour passer à la Réforme. Mais elle résiste fermement.
Elle épouse Radriaka, prince débauché et tyran domestique. Ils n’ont pas d’enfant. Victoire refusera de divorcer et choisira de lui rester fidèle. Son beau-père lui-même lui dit un jour: "Soa ô! Je te dis ma peine. Nous sommes bien au courant de la souffrance que tu supportes silencieusement. La reine et moi-même avons pensé faire rompre ton mariage avec Radriaka, mon fils." Elle lui répondit: "Dada ô, cette affaire ne concerne que moi. Je la veux supporter. Pourquoi vous tracasser inutilement? Ne savez-vous pas que Dieu nous a unis pour toujours? Je ne divorcerai jamais!"
Après vingt-quatre ans de calvaire, son mari, affaibli, est proche de la mort. Devant la patience, la tendresse et les prières de sa femme, Radriaka est touché. Il demande à devenir catholique. Et Victoire elle-même lui donne le baptême.
Après la première guerre franco-malgache, en 1883, les missionnaires catholiques furent expulsés. Ils ne purent revenir qu’en 1886. Ils sont tout étonnés que la communauté catholique, malgré les tracasseries du gouvernement, se soit accrue. Ce fut grâce à Victoire et au frère malgache Raphaël Rafiringa. Les prières n’ont pas cessé. On se réunit à l’église chaque dimanche. Et Victoire parle d’Évangile et catéchise. Un jour, l’église est fermée par des militaires. Victoire monte au palais. Elle revient avec l’autorisation de faire rouvrir l’église. Les gardes s’excusent. Victoire, par sa haute noblesse et sa force de caractère, impose le respect.
Victoire, non seulement maintient la foi, mais encore se dévoue sans compter au service des pauvres, des malades et, en particulier, des lépreux. Elle meurt en 1894 en disant son chapelet et en répétant: "Neny! Neny, Neny!" (Prononcer Nen’) c'est-à-dire: "Mère, Mère, Mère!".
Une année après sa mort, la France conquiert Madagascar et exile Ranavalona III.
Victoire fut béatifiée par Jean-Paul II le 30 avril 1989, devant une foule de trois à quatre cent mille personnes. Sa fête liturgique a été fixée au 21 août.